« Ca parle beaucoup, cet endroit-là », me fit remarquer un de mes soignants, me faisant considérer l’anus, en commençant par le mien, sous un nouvel angle…
La psychanalyse s’est originellement beaucoup concentrée sur les aspects génitaux et sexuels, sur la « production » matérielle de l’anus et la « gestion » des selles par le patient (rétention, expulsion, manipulation comme l’a montré Karl Abraham), le classant ensuite en stades (oral, anal…) qui s’additionnent -et renvoient chacun à une pathologie mentale.
L’anus, le mal-aimé de la psychanalyse
Nous pourrions ajouter qu’il est aussi média : irrité de nos irritations familiales et professionnelles, inflammé de nos souffrances, témoin d’un trop plein dans le langage courant… et le quotidien de mes consultations. L’anus est à la fois signal (d’un stade de l’évolution de l’individu) et un signe à décoder.
Pour cela, il convient de comprendre qu’il s’insère dans un système plus vaste, tant psychiquement que physiologiquement.
Nous pourrions déduire, à la suite de Le Moi peau écrit par Didier Anzieu, que l’anus est partie prenante de la peau… L’auteur affirme que le Moi-peau remplit entre autres une fonction de maintenance du psychisme et une fonction d’inscription des traces sensorielles tactiles. Comme les autres parties du corps, notre fondement est aussi partie de notre mémoire ; il est l’illustration de nos sensations et de nos perceptions, même inconscientes.
Le trou noir de la psychanalyse n’est pas sans mémoire
L’anus a pu être l’objet de violences ou de maltraitance, souvent pendant l’enfance, rendant cet endroit « sensible » à l’âge adulte du fait de douleurs, de phobies. Les personnes relèguent alors leur anus au rang de « chose » sale, étrangère, hors-soi. Il s’agit pourtant de leur propre corps.
En somme, il ne veulent pas « y » penser (et souvent leur praticien non plus), voire en font un déni. La véracité de l’abus, de l’atteinte à l’intimité de la personne peuvent être mieux cernées par la psychanalyse transgénérationnelle en remontant aux origines du fait, de la souffrance, de la pathologie, afin de se libérer du « non-dit » et du « pensionnaire ».
L’objet de la cure psychanalytique, brève car tournée vers l’efficacité, va être de reconsidérer cette partie du corps si longtemps restée dans l’ombre. Pour un mieux être… fondamental.
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Cet article est volontairement écrit d’un ton léger. Il s’agit pourtant d’un sujet clé, souvent ignoré, enfoui par les patients, voire moqué, mis de côté par certains praticiens… mais abordé dans plus de la moitié des consultations de Valérie Sengler.
Article écrit à quatre mains avec Serge-Henri Saint-Michel, planneur stratégique.