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Mon utérus saigne

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Victoria est venue me consulter suite à sa rupture brutale avec Luc, son compagnon. Elle lui avait dit en plaisantant que ce serait bien qu’ils se séparent. Il l’avait regardé, soulagé, et avait répondu qu’elle avait raison. La séparation est survenue rapidement. En l’espace de quelques semaines, Victoria a dû déménager, trouver un nouveau logement, quitter ce qui était son quotidien depuis quinze ans. Elle a perdu les amis que le couple avait en commun. Elle arrive à mon cabinet, choquée, décentrée et profondément triste. Un jeudi alors que la séance se termine et que je lui propose de fixer notre prochaine séance au lundi suivant, elle me dit qu’elle ne peut pas car elle va à l’hôpital et ne sera pas disponible avant au moins deux semaines. Stupéfaite, je lui demande ce qu’elle a, je suis sa psy et je ne comprends pas qu’elle ne m’en ait pas parlé.

Elle me dit, d’un ton détaché, qu’elle va se faire enlever l’utérus. Cette annonce me fait l’effet d’une douche froide car enlever un utérus pour une femme est aussi grave que l’ablation du pénis pour un homme. Elle m’explique que depuis qu’elle a arrêté la pilule, elle a des règles hémorragiques. Elle a pris nombre de traitements hormonaux, certains lui ont fait prendre dix kilos. Ils fonctionnaient un temps, mais ensuite les saignements reprenaient. Elle a aussi subi des curetages. Elle a 40 ans passé, n’aura plus d’enfant et la solution la plus simple pour les médecins est de retirer l’utérus.

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Je lui explique que l’absence d’utérus aura des répercussions sur sa vie sexuelle. L’utérus servant de caisse de résonance pour le pénis lors des rapports sexuels. Son plaisir sera réduit. Mais surtout qu’au niveau inconscient, le fait de ne plus avoir d’utérus sera un message traumatique pour son monde interne qui pourra y voir la perte de sa condition de femme par exemple.

L’ablation d’un organe n’est jamais neutre

La séance s’éternise car je me mets à plaider pour son utérus. Je lui propose d’entamer un travail sur son utérus et de repousser son opération. En partant, elle dit me donner sa réponse dans la journée. Elle est indécise. Quelques heures plus tard, elle m’envoie un message, elle a renoncé à l’opération et dès lundi va venir pour travailler sur cette partie de son corps.

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Je décide de commencer par une séance de tapotements issus de l’EMDR-TABC pendant que Victoria se connecte mentalement à son utérus et laisse venir ce que cette partie de son corps exprime en saignant tellement.

A la première séance surgit le lien entre l’utérus et sa mère. Une mère absente qui ne lui a jamais témoigné de gestes d’affection ou de tendresse. Elle ne l’a pas élevée. Cette petite fille a grandi sans mère et avec des grand-mères froides et strictes chez lesquelles elle passait ses vacances. Elle était ballottée de l’une à l’autre. Elle a eu ses premières règles pendant ses vacances chez l’une d’entre elles. Elle a trouvé des protections hygiéniques dans la salle de bains et n’a rien dit. Je fais l’hypothèse que pour Victoria, au niveau inconscient, la lignée des femmes dont elle est issue est symbolisée par leur utérus. Or, ces femmes sont froides et n’ont pas permis à Victoria d’accepter pleinement et dans une forme de joie le fait d’être une femme. Cette non-reconnaissance de ce statut se reporte donc sur son utérus qui saigne alors abondamment. Ses règles abondantes lui rappellent sa nature profonde de femme alors qu’elle a intégré avec ces femmes que sa féminité ne devait pas s’exprimer. Plus grave, en acceptant sans prise de conscience de retirer son utérus, elle se place dans une fidélité familiale envers ces femmes : je ne suis plus une femme !

A la deuxième séance surgit son père. Son père l’a élevée. C’était un homme à femmes qui enchaînait les liaisons. Il a dormi avec elle jusqu’à son adolescence. Il n’a jamais été vraiment stable, mais le lien entre eux est très fort. Elle parle de « son petit papa chéri ». Lorsque je m’insurge du fait qu’ils aient dormi ensemble longtemps, elle sourit et ne comprend pas mon émotion car « ils n’ont rien fait de mal ». Je lui parle de l’incestuel qui correspond à un inceste symbolique sans passage à l’acte, mais avec des conséquences psychiques aussi graves que si l’inceste avait été consommé dans la réalité. Cette petite fille subit un empiétement de son territoire par son papa qui ne la respecte pas en dormant avec elle. Victoria écoute, sourit toujours en haussant les épaules, me faisant comprendre qu’elle m’entend, mais qu’elle ne croit pas un seul instant à mes « divagations » de psy. Elle a cependant décidé de jouer le jeu et vient assidûment aux séances.

Les séances qui suivront vont se cristalliser sur Luc, l’homme dont elle est séparée. Il a dix ans de plus qu’elle et, fait important, c’est lorsqu’il avait commencé à être malade et qu’elle était devenue son soutien qu’elle s’était mise à avoir des hémorragies. Elle va conscientiser doucement que tout comme pour son père qui se repose beaucoup sur elle, Luc l’utilisait sans qu’elle s’en rende compte. Elle a été pour ces deux hommes une infirmière toujours présente à leurs côtés quand ils ont été malades, chose qui arrivait souvent. Elle a passé une éternité dans les hôpitaux, à les chérir, les encourager, à remplir des formulaires pour pouvoir faire les soins à domicile, contacter des traiteurs pour les livraisons de repas, prendre les rendez-vous avec les kinés, les infirmières… Ces deux hommes étaient devenus des enfants. Victoria devenait la mère de son père et de son compagnon. En d’autres termes, elle est privée d’un bon père qui aurait dû prendre soin d’elle et lui servir de pilier contre lequel s’appuyer pour grandir en sécurité. Elle est également privée de compagnon avec lequel cheminer en formant un couple où chacun peut se reposer sur l’autre quand il en ressent le besoin, mais où aussi chacun mène sa vie en adulte équilibré. La femme ici est complètement ignorée, rejetée et le statut de mère que ces deux hommes veulent lui faire porter n’est pas juste. Là-encore, l’inconscient de Victoria va exprimer ces incohérences en saignant abondamment.

La psy qui guérit, livre de Valerie Sengler, psychanalyste EMDR-TABC

En quatre séances, l’utérus de Victoria a cessé de saigner. Victoria a pensé que c’était temporaire, mais non, les règles sont revenues, normales et non hémorragiques.

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Article initialement publié en juin 2021. Remanié depuis.

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